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Isle of dogs

/ journal l'alter ego
/ année 2018
Américain des années 60, Wes Anderson étudie la philosophie au Texas. Mais son goût pour le cinéma demeure une chose qui l’anime. Il décide donc, en parallèle de ses études, de se lancer dans le tournage de différents courts métrages, utilisant un matériel de base (Super 8 notamment). Original tant par son univers que son parcours, Wes n’a évolué dans le septième art que grâce à lui-même et à son talent inné.
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Le retour à l’écran de Wes Anderson

Project Inspiration

Depuis 1996 avec son premier film Bottle Rocket, Wes ne cesse de se renouveler. En 2009, il innove avec son premier film en stop motion, une animation en volume créée par une succession d’images rapides d’objets : Fantastic Mister Fox. En 2018, il revient avec son nouveau film Isle of Dogs en réitérant l’expérience fastidieuse du stop motion.
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De Bottle Rocket au Grand Hotel Budapest

C’est en 1996 que Wes sort son premier court métrage du nom de Bottle Rocket, ou « Tête brûlée » en français. Résultat ? Anderson ne trouve pas son public. En revanche, les critiques positives fusent : Martin Scorsese ira jusqu’à écrire dans la revue américaine Esquire en 2000 que c’est « probablement l’un des dix meilleurs films américains de l‘année 1996 ».

Deux ans plus tard, c’est avec l’aide des frères Wilson, rencontrés durant ses études (qui, par ailleurs, joueront un rôle primordial dans sa carrière), qu’il se lance dans son second projet et premier film : Rushmore (1998).

Quelques années plus tard, Wes décide de poursuivre sa lancée en réalisant deux nouveaux films : La famille Tenenbaum (2001) ainsi que La vie aquatique (2004). Le « système Anderson » est désormais en place. Ce dernier est en effet vite identifiable et ne peut que renvoyer à son réalisateur. Un casting misonéiste mais plaisant, ainsi qu’une atmosphère bercée tant par les accessoires que par les couleurs, créant une réelle unité entre ses films. Quiconque voyant plusieurs long métrages d’Anderson pourrait aisément en témoigner, même avec un regard des plus amateurs. Une analogie plutôt parlante pour tous pourrait être faite avec Tim Burton. Qui ne s’est jamais demandé et écrié devant un de ses films “Ce n’est pas un Tim Burton ?”. Avec un peu plus de notoriété, il ne serait pas étonnant que ce type de réflexions puisse se produire devant le nouveau film de Wes.
- JEAN-BAPTISTE THORET

"Wes Anderson est à la pointe extrême du burlesque des années 80"

De Bottle Rocket au Grand Hotel Budapest

Si Anderson est apprécié, il est aussi incompris. Son univers personnel est assez atypique et ne correspond pas forcément à l’attente d’un jeune lambda souhaitant passer une soirée en dilettante, tant par la réflexion qui peut en découler que par la complexité du synopsis et du visuel présentés.

L’esthétique d’Anderson pourrait paraître rangée et calculée au millimètre près, révélant ainsi son perfectionnisme. Néanmoins, si l’on va au-delà de notre première impression, on peut y trouver autre chose qu’un univers semblable à une maison de poupées. Son premier stop-motion Fantastic Mister Fox peut en témoigner par le nombre exorbitant d’objets utilisés (près de 4 000 accessoires, 500 marionnettes et 150 décors).

Cet autodidacte a réellement créé son propre style, même s’il s’inspire parfois de Jerry Lewis, Buster Keaton ou encore Blake Edwards.

Deux autres succès cinématographiques notables sont bien évidemment The Darjeeling Limited (2007) et Moonrise Kingdom (2012), dans lesquels on peut retrouver la signature de Wes tant avec les couleurs utilisées qu’avecles personnages « andersonniens » à la fois emprunts de burlesque et de la mélancolie.

Enfin, sa dernière production diffusée n’est autre que The Grand Budapest Hotel , sorti en 2013.

Si la presse est unanime sur le génie d’Anderson, en promettant un film « jubilatoire » (Barbara Théate) et dépaysant, certains des spectateurs restent surpris ou bien même dans le « flou ». Ses films, toujours d’une esthétique irréprochable et bien identifiable, possèdent généralement un fond et une histoire qui ne sont pas toujours faciles à comprendre et le sens des événements n’est pas non plus évident à saisir. Cela se retrouve notamment dans la complexité de l’enchaînement des scènes.

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Isle of Dogs, l’odyssée d’un garçon à la recherche de son chien au Japon

En 2018, Wes Anderson revient sur la scène cinématographique avec un tout nouveau film d’animation, du nom d’Isle of Dogs.

Démarré depuis novembre 2016, le tournage de ce film en stop-motion s’effectue en Angleterre. Wes, fidèle à lui-même, ne s’est pas étendu sur le contenu du film. Seul le casting du doublage est connu, avec des célébrités des plus réputées telles que Bill Murray, Edward Norton et Jeff Goldblum. Anderson a tout de même réalisé une vidéo pour The Film Foundation (créée en 1990 par Martin Scorsese, coïncidence ?) annonçant la présence d’Edward Norton, et montrant furtivement l’image d’un des chiens du film doublé par ce dénommé Norton, présent dans cette vidéo de 3 minutes top chrono ! Pour les adeptes d’Anderson, il est actuellement en salle.

Qu’en est-il du synopsis ?

« En raison d’une épidémie de grippe canine, le maire de Megasaki ordonne la mise en quarantaine de tous les chiens de la ville, envoyés sur une île qui devient alors l’Île aux Chiens. Le jeune Atari, 12 ans, vole un avion et se rend sur l’île pour rechercher son fidèle compagnon, Spots. Aidé par une bande de cinq chiens intrépides et attachants, il découvre une conspiration qui menace la ville. ».

L’histoire trouve ses racines au Japon, d’où le choix d’une version originale dans la langue locale. À l’inverse de son dernier film d’animation, Fantastic Mister Fox, où l’environnement était coloré, ici c’est dans un décor plus neutre et aux allures désaffectées que les personnage évoluent tout au long du film. Référence criante à la déportation ainsi qu’à l’arme atomique, rendant l’atmosphère particulièrement oppressante.
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Qu’en est-il du synopsis ?

Selon les premiers spectateurs, ce nouveau film est un réel coup de coeur chez les plus adeptes de l’univers Andersonien, après quatre ans d’attente.

Même si certaines critiques déclarent que « lorsqu’on aime un film de Wes Anderson, on les aime à peu près tous, mais à l’inverse, quand on n’en aime pas un, on n’en aime aucun » (Jean-Baptiste Thoret, 2014), rien ne nous empêche de nous forger un (nouvel) avis avec ce nouveau film d’animation du cinéma indépendant américain.

Si le film est chaleureusement accueilli par le public et les critiques, certains reprochent à Wes Anderson sa minutie. Superficialité ? Sensation d’oppression ? Tous ne sont pas unanimes. Ces images plastiques travaillées à la perfection dans un univers japonais des plus traditionnels restent tout de même un chef d’oeuvre.
L’histoire quant à elle, des plus poignantes, n’est pas décevante. Ce qui pourrait se présenter au vu de la bande annonce comme une quête mêlée d’aventures loufoques, s’avère être une véritable satire des plus touchantes. Entre douceur et violence, tout le monde peut y trouver son compte avec toujours une pointe d’humour.

Anderson dépeint ici une caricature de notre société actuelle en mettant en avant la sélection pour ne garder qu’une certaine élite. Dès le début, on peut retrouver sa signature visuelle, et notamment une palette de couleur facilement identifiable. Wes nous propose des tons plus sombres et neutres qu’à son habitude avec des gris en majorité. La symétrie des plans est également présente. Fidèle à lui même, le film est minutieusement organisé : découpé en plusieurs chapitres distincts, cette organisation est aussi présente dans l’élaboration de l’histoire, et est notamment visible par la distinction nette entre gentils et méchants. Rien n’est laissé au hasard et les détails ne sont pas tous perceptibles en un seul visionnage. Si on s’attarde justement sur certains personnages, on peut remarquer des tatouages de chats, rappelant le fil conducteur de l’histoire : exclusion de la race canine.

Mais une réelle nouveautée serait l’usage des langues.

Dès les premières minutes Wes nous présente par un carton (similaires à ceux des chapitres), les différentes traductions et la langue attribuée aux différents personnages. Ayant fait une grosse promotion de son casting, un doublage réussi était attendu. Malheureusement c’est le seul point négatif de ce film.

Tout d’abord, le texte traduit littéralement ne colle pas toujours à l’univers, car il est parfois trop soutenu. De plus, si les acteurs choisis sont très reconnus, leur voix ne colle pas forcément au personnage. En effet le personnage de Murray Abraham alias Jupiter, un chien de corpulence imposante, est doublé, dans la version française, par Daniel Auteuil. Le décalage est assez frappant avec la version originale. Lors de la réalisation de son film, Wes Anderson n’a pas associé des voix à un rendu visuel, mais l’inverse. C’est donc sur le timbre de voix de Murray Abraham qu’ont été réalisés les plans, ayant un timbre de voix très éloigné d’Auteuil. Le casting du doublage français choisis par Anderson, n’apporte donc pas le prestige tant attendu.

Si le doublage n’est pas réussi, le message et les émotions sont parfaitement transmis.

Comme dit précédemment, même si visuellement on pourrait penser que c’est un film destiné aux enfants, c’est un film assez dur si on se laisse prendre par l’histoire.
Les personnages sont face à des événements émouvants et évoluent dans un régime quasi totalitaire. Dans ce film, Wes réussit encore une fois à nous faire passer du rire aux larmes en l’espace de quelques plans. Si l’environnement n’est pas propice à l’amusement, les personnages restent la plupart du temps loufoques, tant dans leurs répliques que par leur comportement. Le message très sombre aux premiers abords, est finalement positif. En effet, Wes a su traiter le sujet de telle manière qu’il se transforme en un message d’espoir. Il va de soi que ce film peut être regardé de manière passive, en passant par l’admiration de la beauté visuelle. Mais si on prête attention aux différentes allusions à notre société actuelle, on y trouve une évolution positive très Andersonnienne.

À travers ce film, Wes nous propose une nouvelle fois une vision de la vie en couleurs.

Ce film est un véritable chef-d’oeuvre cinématographique et vaut la peine d’être vu, et revu en VO. Cette dernière production se hissera-t-elle à la première place de sa filmographie ?